Voyage à Bourbonne, à Langres

Voyage à Bourbonne et à Langres et autres récits

« On conçoit généralement les voyages comme un déplacement dans l'espace. C'est peu, remarque Claude Levi-Strauss dans Tristes tropiques. Un voyage s'inscrit simultanément dans l'espace, dans le temps, et dans la hiérarchie sociale ».

Il en est ainsi du retour de Denis Diderot dans sa province à l'été 1770. Ce Langrois, devenu parisien, entreprend ici un voyage dans l'espace social : il accompagne deux belles amies aux eaux de Bourbonne - villégiature très prisée à l'époque, et vient marier sa fille à un fils de notable langrois - belle ascension sociale en perspective pour ce fils de coutelier. Il y reprend aussi contact avec la misère rurale, envisagée bien abstraitement depuis Paris. Enfin, c'est pour lui un voyage dans le temps : le philosophe y retrouve intacts ses vieux démons familiaux et sentimentaux, la mort du père, homme de bien et perte irréparable, l'arrogance du frère devenu chanoine, les amours gâchées. C'est tout cela qu'il s'efforce de dompter par l'écriture, transformant sa mélancolique odyssée en voyage scientifique impromptu : « J'ai passé là une partie de mon temps à m'instruire ; des eaux, de leur nature, de leur ancienneté, de leurs effets, de la manière d'en user, des antiquités du lieu, et j'en ai fait une lettre à l'usage des malheureux que leurs infirmités pourraient y conduire » (lettre à son amie Sophie Volland, 23 août 1770).

Le Voyage à Bourbonne est une plongée au coeur d'un thermalisme encore mal connu, suivi d'une promenade sentimentale dans une Langres historique presque méconnaissable, où passent les héros légendaires et les souvenirs d'enfance (Voyage à Langres). Il est accompagné ici des lettres que Diderot y écrivit à ses proches, et des deux contes sublimes que lui inspira ce séjour, l'Entretien d'un père avec ses enfants et Les Deux amis de Bourbonne.