Voyage à Terre-Neuve

Littérature des voyages
IV
Collection dirigée par François MOUREAU
Voyage à Terre-Neuve

Récit alerte et coloré, écrit au retour d'une mission d'enquête dans les brumes de Terre-Neuve chargée d'élucider les différends entre pêcheurs français et anglais et qui préludaient au litige toujours actuel entre la France et le Canada à propos des zones de pêche dans le golfe du Saint-Laurent et autour des îles Saint-Pierre et Miquelon, le Voyage à Terre-Neuve que Gobineau fait publier en 1861, révèle les multiples facettes du talent de l'écrivain.
Le Nouveau-Monde provoque le regard plus que la mémoire, oblige à retrouver les vertus des voyageurs antiques pour qui le témoignage de l'œil l'emportait sur celui de l'oreille, et dont l'ambition était de produire un récit de choses vues plutôt que de choses lues. C'est à cet exercice que Gobineau se livre et excelle, car ce rêveur et ce poète, hanté par les vastes systèmes et les larges synthèses explicatives, possède aussi un sens aigu de l'observation et du concret.
Le Voyage à Terre-Neuve crée un effet qui est tout le contraire de la monotonie, grâce au glissement du ton, grave quand il s'agit d'évoquer la triste réalité indienne ou la situation politique des colonies anglaises d'Amérique, drole voire bouffon pour rendre compte de la maladresse du terrien que désarçonne la vie en mer, ou qu'émerveille les prouesses culinaires d'un maître-coq, grâce aussi au changement de régime narratif qui fait parfois basculer le récit dans la fiction pour échapper à l'enlisement du voyage. Cette relation rappelle quel brillant conteur fut Gobineau, tout en laissant entrevoir ses dons d'observateur, d'essayiste et de poète.
L'édition critique que propose Roland Le Huenen, professeur à l'Université de Toronto, est la première en date d'un ouvrage devenu depuis longtemps introuvable.